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    Le droit à la vie privée

    Module 4 : Vie privée et protection des données

    Il est de plus en plus reconnu que le droit à la vie privée joue un rôle vital en soi et qu’il facilite le droit à la liberté d’expression. Par exemple, le recours au droit à la vie privée permet aux individus de partager des points de vue de manière anonyme dans des circonstances où ils peuvent craindre d’être censurés pour ces points de vue, il permet aux dénonciateurs de faire des divulgations protégées, et il permet aux membres des médias et aux militants de communiquer en toute sécurité au-delà de la portée d’une interception gouvernementale illégale.

    Le droit à la vie privée est contenu dans l’article 17 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), qui prévoit :

    (1) Nul ne sera l’objet d’immixtions arbitraires ou illégales dans sa vie privée, sa famille, son domicile ou sa correspondance, ni d’atteintes illégales à son honneur et à sa réputation.

    (2)  Toute personne a droit à la protection de la loi contre de telles immixtions ou de telles atteintes. 

    Bien qu’il ne figure pas dans la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples (CADHP), le droit à la vie privée des enfants est contenu dans l’article 10 de la Charte africaine des droits et du bien-être de l’enfant (CADBE), qui prévoit que :

    Aucun enfant ne sera l’objet d’immixtions arbitraires ou illégales dans sa vie privée, son domicile ou sa correspondance familiale, ni d’atteintes à son honneur ou à sa réputation, étant entendu que les parents ou les tuteurs légaux ont le droit d’exercer une surveillance raisonnable sur la conduite de leurs enfants. L’enfant a droit à la protection de la loi contre de telles immixtions ou de telles atteintes. 

    Le droit à la vie privée a également été reconnu dans d’autres instruments régionaux et sous-régionaux dans le contexte de la protection des données, qui est examiné plus loin. En outre, presque tous les États africains garantissent ce droit dans leur constitution nationale.(1)

    Il est intéressant de noter qu’en 2017, la Cour suprême de l’Inde a déclaré que le droit à la vie privée est protégé en tant que partie intrinsèque du droit à la vie et à la liberté individuelle, et en tant que partie des libertés fondamentales garanties par la partie III de la Constitution indienne.(2) En tant que tel, bien que la Constitution indienne ne contienne pas expressément un droit à la vie privée, ce droit peut néanmoins être lu dans le contexte des autres droits et libertés qui sont garantis par la Constitution. Bien que cela n’ait pas été testé dans le contexte de la CADHP, il est possible d’interpréter le droit à la vie privée dans d’autres dispositions de la Charte africaine.

    Comme pour le droit à la liberté d’expression, une limitation du droit à la vie privée doit satisfaire au test en trois parties pour une limitation justifiable. Selon la Cour constitutionnelle sud-africaine : (3)

    Un très haut niveau de protection est accordé à la sphère intime de la vie personnelle de l’individu et au maintien de ses conditions préalables de base et il existe une dernière sphère intouchable de la liberté humaine qui échappe à toute interférence de la part d’une autorité publique. À tel point que, en ce qui concerne ce noyau le plus intime de la vie privée, aucune limitation justifiable de celle-ci ne peut avoir lieu. Mais ce noyau le plus intime est interprété de façon étroite. Ce noyau inviolable est abandonné dès lors qu’un individu entre en relation avec des personnes situées en dehors de cette sphère intime la plus proche ; les activités de l’individu acquièrent alors une dimension sociale et le droit à la vie privée dans ce contexte devient sujet à limitation.

    Nous examinons ci-dessous les aspects spécifiques du droit à la vie privée et l’impact qu’Internet a eu sur la jouissance de ce droit.

    Notes de bas de page

    1. Au niveau national, plus de 50 constitutions africaines, y compris des amendements et des révisions récentes, font référence au droit à la vie privée.  Singh and Power, « The privacy awakening: The urgent need to harmonise the right to privacy in Africa » Annuaire africain des droits de l’homme, volume 3 (2019) 202, page 202, accessible sur : http://www.pulp.up.ac.za/images/pulp/books/journals/AHRY_2019/Power%202019.pdf). Retour
    2. « Justice K.S. Puttaswamy and Another v Union of India and Others », Demande no 494/2012, 24 août 2017 (accessible en anglais sur : http://supremecourtofindia.nic.in/supremecourt/2012/35071/35071_2012_Judgement_24-Aug-2017.pdf). Retour
    3. « NM and Others v Smith and Others », [2007] ZACC 6, 4 avril 2007 au paragraphe 33 (accessible en anglais sur : https://www.saflii.org/za/cases/ZACC/2007/6.html), citant avec approbation « Bernstein and Others v Bester NNO and Others »,[1996] ZACC 2, 27 mars 1996 au paragraphe 77. Retour