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    Le danger de l’imprécision

    Module 6 : Discours de haine

    Le danger évident de la réglementation des discours de haine est que l’imprécision dans la définition de ce qui constitue un acte criminel sera utilisée pour pénaliser les expressions qui n’ont ni l’intention ni la possibilité réaliste d’inciter à la haine.

    La Cour constitutionnelle d’Afrique du Sud a récemment réfléchi à cette question dans l’affaire « Qwelane v South African Human Rights Commission and Another ». M. Qwelane, qui était alors ambassadeur d’Afrique du Sud en Ouganda, avait publié une chronique dans un journal local dénigrant le « mode de vie et les préférences sexuelles » des « homosexuels ». La Haute Cour a estimé que la déclaration constituait un discours de haine tel que défini dans la loi sur l’égalité, dont l’article 10 interdit la publication de déclarations blessantes qui causent un préjudice ou propagent la haine. Qwelane a demandé que l’article 10 de la loi sur l’égalité soit déclaré inconstitutionnel au motif qu’il porte atteinte au droit à la liberté d’expression. En 2019, la Cour suprême d’appel (CSA) a convenu que l’article était inconstitutionnel parce qu’il « va bien au-delà des limitations de la liberté d’expression prévues par la Constitution et n’est pas clair à de nombreux égards ».(1)

    La CSA a jugé l’utilisation du mot « blessant » particulièrement vague, ajoutant que toutes les définitions de ce mot « concernent les émotions subjectives d’une personne. . . en réponse aux actions d’une tierce partie. Cela n’équivaut pas à causer du tort ou à inciter au tort ».(2) L’avocat de la Commission sud-africaine des droits de l’homme a cependant soutenu que :

    Du point de vue de l’égalité et de la dignité, le terme « blessant » ne se limite pas aux émotions et sentiments subjectifs d’une personne en réponse aux actions d’une tierce partie, mais concerne plutôt les blessures ou les atteintes à la dignité d’une personne.

    L’affaire dépend de la question de savoir si les insultes homophobes constituent une incitation et si la définition du terme « blessant » dans la loi sur l’égalité est suffisamment précise pour ne pas restreindre indûment la liberté d’expression. La Cour constitutionnelle a réservé son jugement en septembre 2020.

    Notes de bas de page

    1. Cour suprême d’appel d’Afrique du Sud, affaire n° 686/2018, (2018) (accessible en anglais sur : http://www.saflii.org/za/cases/ZASCA/2019/167.pdf). Retour
    2. Mail & Guardian, Sarah Smit, « The Qwelane case: when human rights meet human rights » (2020) (accessible en anglais sur : https://mg.co.za/news/2020-09-20-the-qwelane-case-when-human-rights-meet-human-rights/). Retour