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    La violence ou la haine doit-elle réellement en résulter ?

    Module 6 : Discours de haine

    Un autre principe du test du seuil du Plan d’action de Rabat est la probabilité et l’imminence de la violence.(1) L’incitation, par définition, est un crime inachevé. Il n’est pas nécessaire que l’action préconisée par le biais d’un discours d’incitation soit commise pour qu’elle constitue un crime. Néanmoins, un certain degré de risque de préjudice résultant doit être identifié. Cela signifie que les tribunaux devront déterminer qu’il y avait une probabilité raisonnable que le discours réussisse à inciter à une action réelle contre le groupe cible. Les tribunaux des différentes juridictions ont divergé sur la probabilité que le préjudice soit nécessaire pour constituer un acte criminel.

    Par exemple, dans l’affaire « South African Human Rights Commission v Khumalo »,(2) la Haute Cour d’Afrique du Sud a estimé que les déclarations du défendeur à l’encontre des blancs étaient des discours de haine, bien qu’il n’y ait aucune preuve d’un préjudice réel ayant été commis suite à ses déclarations, bien qu’elles aient clairement incité et préconisé la violence.(3)

    Les lois sur les discours de haine en ligne sont utilisées pour étouffer la liberté d’expression

    De nombreux États africains ont de plus en plus recours à de nouvelles lois sur les discours de haine en ligne pour endiguer le flot de fausses informations et de désinformation qui est arrivé avec l’avènement d’Internet et des médias sociaux. Par exemple, en 2020, l’Éthiopie a promulgué la Proclamation de prévention et de suppression des discours de haine et de la désinformation qui, tout en ayant des objectifs apparemment bien intentionnés, a été décriée par la société civile comme une menace à la liberté d’expression et à l’accès à l’information en ligne.(4)

    Souvent, c’est à cause :

    • de définitions trop larges du discours de haine et de la désinformation.
    • de dispositions vagues qui permettent une interprétation discrétionnaire par les forces de l’ordre telles que les procureurs et les tribunaux et qui permettent aux lois d’abuser des droits fondamentaux.
    • du fait de tenir les intermédiaires de l’Internet pour responsables de la surveillance du contenu.
    • du fait de prévoir des sanctions trop sévères et punitives en cas de violation

    Le Kenya a adopté une loi similaire,(5) et d’autres sont à l’étude au Nigeria(6) et en Afrique du Sud.(7) Les critiques affirment que ces lois ne constituent rien de moins qu’une censure en ligne.

    Notes de bas de page

    1. Bureau du Haut-Commissariat aux droits de l’homme (HCDH), « Freedom of expression vs incitement to hatred: OHCHR and the Rabat Plan of Action », (2012) (accessible sur : https://www.ohchr.org/fr/issues/freedomopinion/articles19-20/pages/index.aspx). Retour
    2. Haute Cour d’Afrique du Sud, Division Gauteng, affaire no EQ6/2016 et EQ1/2018 (2018) (accessible en anglais sur : http://www.saflii.org/za/cases/ZAGPJHC/2018/528.html). Retour
    3. Commission sud-africaine des droits de l’homme, « Media Statement: SAHRC Welcomes the Equality Court’s Finding Against Velaphi Khumalo » (2018) (accessible sur : https://www.sahrc.org.za/index.php/sahrc-media/news-2/item/1591-media-statement-sahrc-welcomes-the-equality-court-s-finding-against-velaphi-khumalo). Retour
    4. CIPESA, Edrine Wanyama, « Ethiopia’s New Hate Speech and Disinformation Law Weigthily on Social Media Users and Internet Intermediaries » (2020) (accessible en anglais sur : https://cipesa.org/2020/07/ethiopias-new-hate-speech-and-disinformation-law-weighs-heavily-on-social-media-users-and-internet-intermediaries/). Retour
    5. Mail & Guardian, « Kenya signs bill criminalizing fake news » (2019) (accessible en anglais sur : https://mg.co.za/article/2018-05-16-kenya-signs-bill-criminalising-fake-news/). Retour
    6. Amnesty International, « Nigeria : bills on hate speech and social media are dangerous attacks on freedom of expression » (2019) (accessible en anglais sur : https://www.amnesty.org/en/latest/news/2019/12/nigeria-bills-on-hate-speech-and-social-media-are-dangerous-attacks-on-freedom-of-expression/). Retour
    7. Daily Maverick, Pierre de Vos, « Hate speech bill could be used to silence free speech » (2019) (accessible en anglais sur : https://www.dailymaverick.co.za/opinionista/2019-02-26-hate-speech-bill-could-be-used-to-silence-free-speech/). Retour