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    Quelle est la bonne façon de traiter la diffamation ?

    Module 5 : Diffamation

    Lorsqu’une personne est reconnue coupable de diffamation, elle a droit à un recours. Cependant, les remèdes imposés sont souvent punitifs et disproportionnés. Nous avons déjà vu que les peines d’emprisonnement pour diffamation criminelle sont largement considérées comme disproportionnées en raison de leur impact sur la liberté d’expression. De même, les lourdes amendes, qu’elles soient pénales ou civiles, visent à punir le diffamateur plutôt qu’à réparer le tort causé au diffamé.

    Dans la mesure du possible, la réparation dans les affaires de diffamation doit être non pécuniaire (non financière) et viser directement à réparer le tort causé par la déclaration diffamatoire, par exemple en publiant des excuses ou une correction.

    Les indemnités pécuniaires (le paiement de dommages et intérêts) ne doivent être envisagées que lorsque d’autres moyens moins intrusifs sont insuffisants pour réparer le préjudice causé. L’indemnisation du préjudice causé (dommages pécuniaires) doit être basée sur des preuves quantifiant le préjudice et démontrant une relation de cause à effet avec la déclaration diffamatoire alléguée.

    Diffamation sur les nouvelles plateformes médiatiques

    La croissance des nouveaux médias, y compris les médias sociaux, ces dernières années a soulevé des questions quant à savoir si les lois civiles existantes en matière de diffamation sont adaptées à l’époque et à ces nouvelles technologies. L’arrêt de 2019 de la Haute Cour d’Afrique du Sud dans l’affaire « Manuel v Economic Freedom Fighters and Others »(1) donne un aperçu de la manière dont les tribunaux peuvent utiliser les lois existantes en matière de diffamation pour traiter des affaires impliquant des déclarations dans des publications en ligne. L’arrêt de la Cour contenait un certain nombre de conclusions inédites : (2)

    • Parce qu’elle était centrée sur une déclaration publiée sur Twitter, la Cour a expliqué que « le lecteur ordinaire hypothétique doit être considéré comme un représentant raisonnable des utilisateurs de Twitter qui suivent l’EFF et M. Malema et partagent son intérêt pour la politique et les affaires courantes ». L’EFF (Combattants pour la liberté économique) est un parti politique sud-africain d’extrême gauche controversé, dont M. Malema est le président et le « commandant en chef ». Les deux parties ont été accusées à plusieurs reprises d’utiliser un langage qui incite à la violence, en particulier sous une forme raciale, dans leurs efforts pour parvenir à une « transformation radicale » de la société et de l’économie.
    • La Cour a fait référence à la « règle de répétition », selon laquelle les personnes qui répètent une allégation diffamatoire faite par une autre personne « sont traitées comme si elles avaient fait l’allégation elles-mêmes, même si elles tentent de prendre leurs distances par rapport à l’allégation ». Cela a des implications pour d’autres personnes qui jouent un rôle dans la diffusion de déclarations diffamatoires, par exemple en « retweetant ». La Cour n’a pas explicitement abordé ce point plus avant.
    • La Cour a également déclaré que le moyen de défense de la publication raisonnable est applicable au-delà des seuls médias aux membres ordinaires du public également, à condition qu’ils prennent toutes les mesures raisonnables pour vérifier l’information comme normalement requis dans le cadre de ce moyen de défense.
    • Bien que le jugement ait ordonné aux défendeurs de retirer la déclaration contestée de leurs plateformes médiatiques dans les 24 heures, la suppression d’un tweet sur Twitter ne le supprime pas nécessairement de toutes les plateformes, car il existe d’autres moyens de distribution du contenu qui ne sont pas visés par la suppression (comme les retweets dans lesquels les personnes ont ajouté leur propre commentaire). C’est un défi particulier que posent les plateformes de médias sociaux lorsqu’elles cherchent à trouver un remède efficace à une plainte pour diffamation.

    L’affaire sera bientôt entendue en appel devant la Cour suprême d’appel en novembre 2020.(3)

    Notes de bas de page

    1. Haute Cour d’Afrique du Sud, Division Gauteng, affaire n°. 13349/2019, (2019) (accessible en anglais sur : http://www.saflii.org/za/cases/ZAGPJHC/2019/157.pdf). Retour
    2. ALT Advisory Africa, Avani Singh, « Social media and defamation online : Guidance from Manuel v EFF », (2019) (accessible en anglais sur : https://altadvisory.africa/2019/05/31/social-media-and-defamation-online-guidance-from-manuel-v-eff/). Retour
    3. De même, l’affaire « Stocker v Stocker »de la Cour suprême du Royaume-Uni est instructive.  L’arrêt s’est distingué par la création d’une nouvelle sous-catégorie de « lecteur raisonnable » d’un post de média social, qui analyse le sens voulu d’une déclaration, plutôt que de s’appuyer sur une compréhension plus traditionnelle et formelle de la langue.  Pour en savoir plus, voir : https://inforrm.org/2019/04/05/case-law-stocker-v-stocker-supreme-court-overturns-judge-on-meaning-of-tried-to-strangle-oliver-cox/). Retour