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    Le « discours de haine » était-il destiné à inciter ?

    Module 6 : Discours de haine

    Le discours de haine qui vise à inciter à l’hostilité, à la discrimination ou à la violence relève du type d’expression que le droit international impose de restreindre. Par conséquent, un facteur clé dans le traitement des cas de discours de haine est l’exigence d’une intention d’incitation à la haine.

    Le Plan d’action de Rabat sur l’interdiction de l’appel à la haine nationale, raciale ou religieuse qui constitue une incitation à la discrimination, à l’hostilité ou à la violence,(1) compilé par une réunion d’experts coordonnée par le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme (HCDH), propose un test de seuil en six parties pour établir si l’expression atteint le seuil de la criminalité. L’une d’entre elles est l’intention : il faut « préconiser » et « inciter », plutôt que de se contenter de distribuer ou de faire circuler. L’article 20 du PIDCP exige également une intention. La négligence et l’imprudence ne sont donc pas à la hauteur du discours de haine.

    L’affaire « Jersild v Denmark » devant la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) est un excellent exemple de cette distinction. Jersild était un journaliste de télévision qui a réalisé un documentaire comportant des interviews de membres d’un gang raciste et néonazi. Il a été poursuivi et condamné pour avoir propagé des opinions racistes. Toutefois, la CEDH a estimé que l’intention du journaliste était de mener une enquête sociale sérieuse exposant les vues des gangs racistes, et non de promouvoir leurs points de vue. Il y avait un intérêt public évident pour que les médias jouent un tel rôle :

    Pris dans son ensemble, le reportage ne pouvait objectivement pas sembler avoir pour but la propagation d’opinions et d’idées racistes. Au contraire, il cherchait clairement (par le biais d’une interview) à exposer, analyser et expliquer ce groupe particulier de jeunes, limités et frustrés par leur situation sociale, ayant un casier judiciaire et des attitudes violentes, traitant ainsi des aspects spécifiques d’une affaire qui, déjà à l’époque, était très préoccupante pour le public… La sanction d’un journaliste pour avoir aidé à la diffusion des déclarations faites par une autre personne dans une interview entraverait sérieusement la contribution de la presse à la discussion de questions d’intérêt public et ne doit pas être envisagée, à moins qu’il n’y ait des raisons particulièrement fortes de le faire

    Construire des contre-narrations en réponse aux discours de haine

    Selon l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO), les méthodes non juridiques de lutte contre les discours de haine sont tout aussi importantes. L’une de ces mesures consiste à construire une contre-narration en promouvant une plus grande éducation aux médias et à l’information comme réponse plus structurelle aux discours de haine en ligne :

    Étant donné l’exposition croissante des jeunes aux médias sociaux, les informations sur la manière d’identifier et de réagir aux discours de haine pourraient devenir de plus en plus importantes. Il est particulièrement important que des modules de lutte contre les discours de haine soient intégrés dans les pays où le risque réel de violence généralisée est le plus élevé. Il est également nécessaire d’inclure dans ces programmes des modules de réflexion sur l’identité, afin que les jeunes puissent reconnaître les tentatives de manipulation de leurs émotions en faveur de la haine, et qu’ils puissent faire valoir leur droit individuel à être les maîtres de ce qu’ils sont et souhaitent devenir.(2)

    Notes de bas de page

    1. Bureau du Haut-Commissariat aux droits de l’homme (HCDH), « Freedom of expression vs incitement to hatred: OHCHR and the Rabat Plan of Action », (2012) (accessible sur : https://www.ohchr.org/fr/issues/freedomopinion/articles19-20/pages/index.aspx). Retour
    2. UNESCO, Iginio Gagliardone et autres, « Countering online hate speech » en page 58 (accessible en anglais sur : http://unesdoc.unesco.org/images/0023/002332/233231e.pdf). Retour