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    Qui constitute un journaliste ?

    Module 1: Principes clés du droit international et de la liberté d’expression

    Un défi particulier qui se pose dans le contexte des droits numériques est l’évolution des rôles des journalistes et des éditeurs en ligne. Les journalistes sont des protagonistes d’une importance vitale lorsqu’il s’agit des droits numériques et de la liberté d’expression, car ils enquêtent et critiquent les actions de l’État et d’autres acteurs puissants dans le cadre de l’exercice de leurs fonctions. Le rôle particulier que les médias jouent dans la réalisation d’une société ouverte et démocratique, et les protections spéciales que cela implique à juste titre, ont souvent été soulignés par les tribunaux. Bien sûr, le secteur des médias a également connu des changements spectaculaires et rapides en raison de l’essor d’Internet et des médias sociaux. La défense de la liberté de la presse est donc devenue plus complexe et doit être adaptée à la dynamique nouvelle et évolutive de l’écosystème des médias.

    Néanmoins, l’Observation générale no 34(1) prévoit expressément que le journalisme est une fonction partagée par un large éventail d’acteurs, de reporters et d’analystes professionnels à plein temps aux blogueurs et autres personnes qui s’engagent dans des formes d’auto-publication dans la presse écrite et sur Internet. Ainsi, les protections journalistiques doivent être interprétées largement pour s’appliquer à la fois aux journalistes professionnels et citoyens qui diffusent des informations dans l’intérêt public, afin de ne pas restreindre indûment la liberté d’expression.

    En 2013, le Rapporteur spécial des Nations unies sur la liberté d’expression a déclaré que(2) « les nouvelles technologies ont fourni un accès sans précédent aux moyens de communication mondiaux, et ont donc introduit de nouveaux moyens de rendre compte des nouvelles et des événements dans le monde entier ». Le rapport note que, bien que les journalistes citoyens ne soient pas des journalistes professionnels formés, il s’agit néanmoins d’une forme importante de journalisme car elle peut contribuer à une plus grande diversité de points de vue et d’opinions, et peut fournir une vision immédiate, de l’intérieur, d’un conflit ou d’une catastrophe.

    Dans l’interprétation du PIDCP relativement à la liberté de la presse, l’Observation générale no 34 précise :

    « Le Pacte comporte un droit en vertu duquel les médias peuvent recevoir des informations sur la base desquelles ils peuvent exercer leur fonction. La libre communication des informations et des idées sur les questions publiques et politiques entre les citoyens, les candidats et les représentants élus est essentielle. Cela implique une presse libre et d’autres médias capables de commenter les questions publiques sans censure ni retenue et d’informer l’opinion publique. Le public a également un droit correspondant de recevoir la production des médias… Afin de protéger les droits des utilisateurs des médias, y compris les membres des minorités ethniques et linguistiques, à recevoir un large éventail d’informations et d’idées, les États parties doivent veiller tout particulièrement à encourager l’indépendance et la diversité des médias ».

    Récemment, la Haute Cour d’Afrique du Sud a fourni une défense retentissante de la liberté de la presse dans son rôle d’assurer l’accès à l’information pour le public et de permettre la liberté d’expression dans l’affaire de 2019 « amaBhungane v. Minister of Justice ».(3) En défendant le droit des journalistes à protéger la confidentialité de leurs sources et à être à l’abri de toute surveillance, l’arrêt précise :

    Bien que le rôle des médias et la garantie expresse de la liberté d’expression et des médias aient été largement salués, en particulier à l’article 16(1)(a), de la Constitution, il existe une réticence à prendre les mesures nécessaires pour reconnaître les journalistes comme une catégorie spéciale de personnes dont les méthodes de travail intrinsèques justifient une protection particulière, comme celle dont bénéficient les avocats.

    Dans un pays aussi corrompu que le nôtre, tant au niveau de nos institutions publiques que de nos institutions privées, et où la mise au jour d’actes répréhensibles est en grande partie le fait de journalistes d’investigation, dans un domaine par ailleurs apparemment vide, il est hypocrite à la fois de louer la presse et d’ignorer ses besoins particuliers pour être un soutien efficace du processus démocratique.(4)

    Notes de bas de page

    1. Rapport du Rapporteur spécial des Nations unies pour la liberté d’expression à l’Assemblée générale des Nations unies (AGNU), A/65/284, paragraphe 21 (2013) (accessible sur : https://digitallibrary.un.org/record/690063?ln=fr). Retour
    2. Haute Cour d’Afrique du Sud à Pretoria, affaire n° 25978/2017, (2019) (accessible en anglais sur : http://www.saflii.org/za/cases/ZAGPPHC/2019/384.html). Retour
    3. Haute Cour d’Afrique du Sud, Affaire No 25978/2017, paragraphe 130 (accessible sur : http://www.saflii.org/za/cases/ZAGPPHC/2019/384.html). Retour