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    Tendances en Afrique

    Module 7 : Cybercriminalité

    Comme le note l’UA dans son « Approche commune sur la cybersécurité et la cybercriminalité » :

    [L]e rythme rapide de l’innovation dans le secteur des TIC peut entraîner des lacunes dans le cadre législatif et réglementaire de la cybersécurité puisque le défi pour le législateur est le retard dans la reconnaissance des nouveaux types d’infractions et l’adoption d’amendements à la législation applicable.(1)

    En conséquence, de nombreux gouvernements africains ont adopté avec empressement de nouvelles lois sur la cybercriminalité afin de suivre le rythme et de continuer à se protéger contre les crimes commis en ligne. Actuellement, au moins 41 États africains disposent d’une législation de base en matière de cybercriminalité, soit entièrement soit partiellement, bien qu’il manque à beaucoup d’entre eux des règlements d’application.(2)

    Cependant, la législation sur la cybercriminalité est de plus en plus utilisée pour réglementer injustement le contenu de l’Internet également, y compris les critiques ou dissidences indésirables. Access Now note que l’une des principales préoccupations concernant la pléthore de lois qui sont actuellement promulguées pour réglementer la cybercriminalité (bien qu’il puisse y avoir un objectif légitime à le faire) est que beaucoup d’entre elles manquent de définitions claires et sont susceptibles d’être utilisées pour réglementer les contenus en ligne et restreindre la liberté d’expression.(3) Il s’agit d’une préoccupation croissante parmi les défenseurs des droits de l’homme, car beaucoup d’entre eux ont fait l’objet d’une vague d’arrestations et de condamnations dans le cadre de ce qui constitue une attaque croissante contre la liberté d’expression par les lois sur la cybercriminalité. Nombre de ces lois sont vagues et trop générales, manquent de définitions claires et se prêtent à une interprétation arbitraire et subjective.

    Par exemple, la loi sur la cybercriminalité de 2015 du Nigeria a été largement critiquée parce qu’elle est utilisée pour réprimer la dissidence et réduire les médias au silence.(4) Le Comité pour la protection des journalistes déclare qu’au cours de la première année d’application de la loi, cinq blogueurs qui ont critiqué des politiciens et des hommes d’affaires en ligne et par le biais des médias sociaux ont été accusés de cyberharcèlement en vertu de la nouvelle loi, qui prévoit une amende pouvant atteindre 7 millions de nairas (22 000 dollars américains) et une peine de prison maximale de trois ans. Selon Paradigm Initiative Nigeria, elle donne aux forces de l’ordre « des pouvoirs étendus pour détenir des données personnelles sans responsabilité correspondante » et n’a « aucune disposition… pour demander réparation ». Elle commet également l’erreur trop commune d’utiliser la « sécurité nationale », définie de manière vague, pour justifier l’interdiction d’un large éventail d’activités en ligne.(5)

    Parmi les autres clauses problématiques courantes de la législation sur la cybercriminalité, on peut citer celles qui criminalisent la « création de sites en vue de diffuser des idées et des programmes contraires à l’ordre public ou aux bonnes mœurs », la « diffusion d’informations visant à tromper les forces de sécurité », la « publication de fausses informations », etc.

    Dans l’affaire « Andare v Attorney General of Kenya »,(6) la Haute Cour du Kenya a souligné que l’État a le devoir de démontrer que les lois sur la cybercriminalité sont autorisées dans une société libre et démocratique, d’établir la relation entre la limitation et son objectif, et de montrer qu’il n’existe pas de moyens moins restrictifs pour atteindre l’objectif visé.(7) Malheureusement, trop peu d’États en Afrique ont jusqu’à présent adopté cette approche.

    Notes de bas de page

    1. L’Union africaine, « Une approche globale sur la cyber sécurité et la cybercriminalité en Afrique » en page 9 (accessible sur : https://au.int/sites/default/files/newsevents/workingdocuments/31357-wd-doc_on_cybersecurity_extra_ord_session_stc_cict_bamako_sept_2016_fr.pdf) Retour
    2. Conseil de l’Europe, « The global state of cybercrime legislation 2013 – 2020: A cursory overview, » en page 5 (2020) (accessible en anglais sur : https://rm.coe.int/3148-1-3-4-cyberleg-global-state-feb2020-v1-public/16809cf9a9). Retour
    3. Access Now, « When “cybercrime” laws gag free expression: stopping the dangerous trend across MENA » (2018) (accessible en anglais sur : https://www.accessnow.org/when-cybercrime-laws-gag-free-expression-stopping-the-dangerous-trend-across-mena/). Retour
    4. Comité pour la protection des journalistes, Peter Nkanga « How Nigeria’s cybercrime law is being used to try to muzzle the press » (2016) (accessible en anglais sur : https://cpj.org/2016/09/how-nigerias-cybercrime-law-is-being-used-to-try-t/). Retour
    5. OrderPaper, « Tomiwa Ilori, The Nigerian Cybercrimes Act 2015: Is It Uhuru Yet? » (accessible en anglais sur : http://www.orderpaper.ng/nigerian-cybercrimes-act-2015-uhuru-yet/). Retour
    6. Haute Cour du Kenya à Nairobi, Demande n°149 de 2015 (2015) (accessible en anglais sur : http://kenyalaw.org/caselaw/cases/view/121033/). Retour
    7. Voir également, Shreyal Singh v Inde, Décret 167 de 2012 (accessible en anglais sur : https://globalfreedomofexpression.columbia.edu/wp-content/uploads/2015/06/Shreya_Singhal_vs_U.O.I_on_24_March_2015.pdf Retour